Les politiques d’austérité annoncées par le gouvernement de Philippe Couillard au cours des derniers mois ont eu pour effet de réveiller le mouvement ouvrier québécois. Si elles s’inscrivent en continuité par rapport aux politiques des plus récents gouvernements, ces politiques ont toutefois pour caractéristique de s’attaquer de front à toutes les couches de la classe ouvrière et de la jeunesse. Conséquemment, un mouvement social d’envergure semble se dessiner dans la province.
Comme c’est très souvent le cas lorsque les mouvements sociaux se mettent en branle, c’est la jeunesse qui est la première à bouger. La jeunesse est souvent plus à même de ressentir les méfaits du système, tire plus facilement des conclusions radicales et elle a, il est vrai, bien moins à perdre à rentrer en grève que les travailleurs-euses.
Le Québec fait actuellement la démonstration de ce schéma général, alors que plusieurs associations étudiantes se sont donné un mandat de grève générale reconductible qui serait mis en application dès le 23 mars prochain, pour la plupart. Au moment de mettre sous presse, 29 associations étudiantes représentant 32 204 étudiant-e-s ont adopté un tel mandat, tandis que 62 autres représentant plus de 125 000 étudiant-e-s se prononceront sur la question.
Le mouvement étudiant québécois, qui semblait avoir perdu de son aplomb suite à l’épuisante grève générale de 2012, est en train de retrouver le momentum et il réussit à mobiliser des couches d’étudiant-e-s qui s’étaient plus ou moins effacées au cours des trois dernières années. On ne peut que se réjouir d’une telle situation.
Mais le retour en force du mouvement étudiant n’est certainement pas étranger à l’éveil récent du mouvement ouvrier. Les manifestations monstres du 20 septembre, du 31 octobre et du 29 novembre derniers ont été une première démonstration de la puissance encore si peu exploitée des travailleurs-euses québécois-e-s – bien que nombre d’étudiant-e-s étaient aussi de la parade. Également, de nombreux syndicats ont exprimé leur désir de lutter contre l’austérité, un syndicat de Sept-Îles allant même jusqu’à voter par une écrasante majorité en faveur de moyens de pression allant jusqu’à la grève sociale.
Le réveil des travailleurs-euses a donc redonné confiance aux étudiant-e-s, qui semblent de plus en plus prêt-e-s à reprendre là où ils ont laissé en 2012.
Les tâches du mouvement étudiant
Si les étudiant-e-s sont bel et bien en mesure d’être la bougie d’allumage des mouvements de protestation, en aucun cas la seule mobilisation étudiante pourra avoir raison de l’austérité. C’est une conclusion qui semble avoir fait son chemin dans les esprits : lors du congrès de l’ASSÉ d’octobre dernier, il a été voté que la campagne contre l’austérité se fasse auprès des syndicats et des groupes communautaires, et que des Comités Printemps 2015 soient formés dans tous les lieux de travail. Sans être claire comme de l’eau de roche, cette proposition se veut certainement un appel à unir la lutte étudiante aux luttes ouvrières.
Il s’agit là de la tâche impérative du mouvement étudiant ce printemps. Toutes les actions du mouvement étudiant doivent être orientées vers la création de liens de solidarité avec le mouvement ouvrier. Si les travailleurs-euses entrent effectivement dans la danse, les étudiant-e-s devront arrimer leurs demandes à celles des travailleurs-euses. Des actions de solidarité avec les travailleurs-euses devront être organisées. Les étudiant-e-s devront aller sur les lignes de piquetage avec leurs frères et sœurs salarié-e-s.
Plus encore, des comités étudiant-e-s/travailleurs-euses devraient aussi être créés. La création de liens organiques de ce genre aurait pour effet de donner un poids supplémentaire aux deux groupes dans leur lutte contre le gouvernement.
Pour combattre l’austérité, combattons le capitalisme !
L’austérité est une réponse mondialement répandue à la crise d’un système capitaliste qui ne parvient plus à développer les forces productives. Et malheureusement, nous devons constater que l’ASSÉ, malgré sa réputation d’être « radicale », verse encore une fois dans une phraséologie réformiste loin de s’attaquer à la racine du problème de l’austérité, soit le système capitaliste lui-même.
Effectivement, dans sa résolution « Plan d’action » adoptée en octobre, l’ASSÉ écrit : « Que le discours de cette campagne [contre l’austérité] pose le problème de l’austérité, non pas comme une fatalité mais bien comme un projet idéologique de démantèlement des services publics. »
De même, l’Association facultaire des étudiant-e-s de sciences humaines de l’UQAM (AFESH), a récemment adopté une résolution qui montre qu’elle voit la lutte à venir comme une simple bataille pour quelques modifications dans les limites du système capitaliste: « Que l’ASSÉ entame une escalade des moyens de pression contre les coupures et les hausses de tarif administrées dans les services publics pouvant aller jusqu’à une grève générale illimitée à l’automne 2015; Que la campagne de grève 2015-2016 de l’ASSÉ se nomme: ‘‘Un mouvement: dix milliards de solutions!’’ »
Nous croyons qu’il est erroné de considérer l’austérité comme un simple projet de nature « idéologique ». La seule idéologie derrière l’austérité est celle de la conservation du système capitaliste en putréfaction – opération qui mènera bien entendu vers un cul-de-sac. Ce faisant, l’ASSÉ ne devrait pas s’acharner à démontrer qu’il existe « 10 milliards de solutions » à l’austérité sous le capitalisme. En prenant une telle position, l’ASSÉ présente un visage guère plus radical que le Parti libéral des années 1960. Elle devrait plutôt arguer que si le capitalisme n’a que l’austérité à nous offrir, alors la lutte contre l’austérité doit être reliée à la lutte pour l’abolition de ce système. Ce sont les travailleurs-euses qui créent l’ensemble de la richesse de la société. Nous ne voulons pas que les miettes, nous voulons l’entièreté de la tarte!
Nul n’a mieux expliqué l’attitude que les révolutionnaires doivent adopter en regard des réformes que le marxiste russe Léon Trotsky. Dans son Programme de transition, il explique que loin de s’opposer aux réformes, il faut être en mesure de les replacer dans la juste perspective : « La IVe internationale ne repousse pas les revendications du vieux programme minimum, là où elles peuvent avoir gardé quelque souffle de vie. Elle défend inlassablement les droits démocratiques des ouvriers et leurs conquêtes sociales. Mais elle replace ce travail de tous les jours dans le cadre d’une perspective juste et concrète, c’est-à-dire révolutionnaire. »
De même, il ajoute plus loin cette nécessaire conclusion : « Si le capitalisme est incapable de satisfaire les revendications qui surgissent infailliblement des maux qu’il a lui-même engendrés, qu’il périsse! »
Le rôle de l’ASSÉ devrait donc être oui, de défendre des réformes urgentes, mais d’expliquer que celles-ci ne pourront voir le jour dans un système capitaliste pris au cœur de la pire crise de son histoire.
La Tendance marxiste internationale en appelle donc aux étudiant-e-s du Québec afin de tout mettre en œuvre pour orienter son action vers un support actif du mouvement ouvrier.
D’autre part, nous enjoignons les associations étudiantes à embrasser une perspective authentiquement socialiste dans leur présente lutte. Il faut expliquer que la crise du capitalisme nécessite abolition pure et simple. Les revendications transitoires doivent être replacées dans cette perspective révolutionnaire.
Il s’agit de la seule manière de réellement conserver les acquis, de faire des gains et de mettre fin à l’austérité une fois pour toutes !
Julien Arseneau
La riposte – TMI Canada
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